Comment vivre avec un proche atteint de la maladie d'Alzheimer ?

le 04/05/2010 à 10h18 par  - Lecture en 5 min Ajouter à votre selection
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Hélène aime sa grand-mère. Mais pas facile pour elle de voir la maladie d’Alzheimer gagner petit à petit du terrain. Entre douleur et moments d’espoir, elle nous fait part de son histoire.

Depuis combien de temps savez-vous que votre grand-mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer ?

La maladie d’Alzheimer touche près d’un million de personnes en France : elle est la principale cause de démence chez les personnes âgées. Dure à accepter pour les proches, et à ce jour incurable, c’est l'une des maladies les plus redoutées. Le témoignage d’Hélène, dont la grand–mère est malade, est une belle leçon de courage qui nous amène à nous remettre en question : et si ça arrivait à un membre de notre famille ? Comment gérer le quotidien avec un proche atteint d’Alzheimer ?

Depuis combien de temps savez-vous que votre grand-mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer ?

Hélène : La maladie a été diagnostiquée en août 1998. Au départ, elle avait quelques pertes de mémoires et troubles gestuels que l’on mettait sur le compte de l’âge. Elle a presque 83 ans ! Mais petit à petit, son état s’est aggravé. On s’est véritablement inquiétés lorsqu’elle a commencé à chuter en cherchant son chemin… pour prendre un verre d’eau. On a d’abord cru à une crise de nerfs ou à une petite dépression liée à notre climat familial. Ma mère et moi ne nous entendions plus trop, j’étais au chômage, on manquait d’argent… Avant de se rendre à l’évidence face au bilan du médecin généraliste : ma grand-mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer.

Avoir un proche atteint de la maladie d'Alzheimer: Qu'est-ce qui a été le plus dur à l'annonce de la maladie ?

Hélène : Personnellement, je n’ai rien vu venir. Je suis du genre à me dire que ça n’arrive qu’aux autres. Je m’attendais plus au drame de perdre ma grand-mère (dont j’ai toujours été très proche) car je voyais son âge avancer à grand pas. Depuis quelque temps déjà, elle n’est plus autonome : c’est ma mère et moi qui l’aidons à se laver, s’habiller, à manger… Mais le plus dur est de la voir d’abord souffrir elle : il lui arrive, malgré l’état avancé de sa maladie, d’avoir des phases de lucidité et des soupçons quant à la perte de ses moyens. Et elle se trouve alors dans un état d’anxiété et de nervosité très angoissant pour elle comme pour nous. Ensuite, je ne supporte pas de voir souffrir ma mère, qui a déjà perdu son père d’un cancer il y a 5 ans. Je pense qu’elle souffre énormément du fait que sa propre mère ne la reconnaisse plus ! Même si elle sait que ça vient de sa maladie, c’est psychologiquement très difficile à accepter…

Qu’est-ce qui a motivé votre choix de ne pas confier votre grand-mère à un centre de soins ?

Hélène : Je pense sincèrement que placer ma grand-mère dans un centre de soins est la pire chose que l’on puisse lui in fliger. Là bas, elle aurait été plus « ignorée » et encore plus confrontée à sa solitude. La présence de proches et des éléments familiers, même s’ils n’en sont pas toujours conscients, est le seul réconfort que les malades peuvent avoir. Je ne pense pas qu’ils bénéficient d’autant d’attentions dans un centre de rééducation… J’ai été au chômage pendant longtemps, j’étais là tous les jours. J’habite avec ma mère et ma grand-mère, je n’ai pas d’enfant et je suis divorcée. S’occuper de sa famille est un devoir, et je n’avais pas envie de choisir la solution de facilité. Et puis, voir nos efforts récompensés donne un peu d’espoir, et permet de partager les derniers moments avec elle. Plus on est présents, plus on essaye de communiquer avec elle, plus ses pertes de mémoires sont courtes. Je constate que dès que je pars, ma grand-mère panique : elle devient même presque agressive, puisque tous ses repères ont disparu. En somme, la placer ailleurs n’aurait fait qu’aggraver sa maladie.

Avoir un proche atteint de la maladie d'Alzheimer: Quels sont les soins quotidiens que vous lui apportez ?

Hélène : D'abord, il y a les soins pratiques : elle n’est plus autonome, son âge avancé l'empêchant de se nourrir et de se laver seule. Depuis la mort de mon grand-père, ma mère l’a accueillie dans la chambre d’amis. Elle a aussi beaucoup de difficultés à se déplacer. Mais, depuis l’arrivée de la maladie, il a fallu redoubler d’attention. Par exemple, augmenter le nombre de repères familiers. Nous avons mis des photos de nous dans sa chambre par exemple. Nous avons repeint et décoré toute sa chambre dans les tons rouges, sa couleur préférée, une couleur un peu criarde, pour qu’elle différencie sa chambre d’une autre (si elle est amenée à aller dans un centre de rééducation par exemple).

Il a fallu ensuite s’adapter à son langage : elle ne parle pas de la même manière, ses propos sont souvent incohérents. Il faut parler lentement, avec des mots simples et usuels, car elle a oublié la moitié de son vocabulaire. Il faut aussi gérer ses impulsions : elle refuse parfois qu’on la touche et devient très agressive dans ses gestes. C’est très blessant… Sans oublier que c’est une surveillance constante : comme elle ne maîtrise plus ses propres gestes, elle peut tomber, se faire mal, sortir seule… Tout représente un danger ! A l’heure actuelle, elle ne nous reconnaît presque plus, c’est comme une étrangère que l’on héberge. La seule chose qui l’anime est la compagnie. Ma mère refuse de la laisser dans un centre de soins spécialisés, malgré son travail et son emploi du temps surchargé. Aussi, nous avons engagé des auxiliaires de vie. Je suis soulagée… Et, depuis un mois, j’ai retrouvé un travail d’assistante maternelle dans une école. Depuis, ma mère et moi, nous nous sommes rapprochées.

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui s’occupent d’un proche atteint d’Alzheimer ?

Hélène : De ne pas se décourager face à la démence, de ne pas se mettre en colère contre le malade, et de penser que la solitude est l'une des pires conséquences de la maladie. Et aussi de ne pas hésiter à s’entourer d’amis , de proches mais aussi de spécialistes pour le traitement du malade. Et de psychologue pour soutenir les proches, car c’est une étape très dure à passer. Je voulais dire aussi à ceux qui râlent constamment contre leurs parents et leurs grands-parents de profiter plutôt des moments passés avec eux, car on ne sait jamais ce qui peut arriver !

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